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インタビュー

... à nous d'être novateurs et créatifs. "

​" Le Japon, ça veut tout et rien dire...

Une expo entre deux seules mains. Héléna Ter Ovanessian ne connaît que trop bien la rengaine. Un marathon en guise de travail, être chargé d'exposition essouffle, mais émerveille. Les quatre coins d'un des bureaux secrets du musée des Confluences nous attendent. Ici, nous échangeons...

Les murs grisâtres du 3e étage du musée des Confluences ne sollicitaient que trop peu l'imagination. Me voilà, cul contre chaise à attendre la chargée d'exposition de Yokainoshima, esprits du Japon. Je foulais alors un des nombreux recoins de cet étage invisible à l'oeil du public, où les trames se déficellent et les idées se soulèvent... Héléna Ter Ovanessian m'extirpe alors de mon monde. Si Christian Sermet est le centre d'une toile, elle représente les plus infimes ponts entre deux filaments. Certes, nous les survolons au premier regard. Pourtant, en approfondissant la chose, nous nous rendons compte que sans ces petites connexions, une toile court à sa perte. Être chargé d'exposition, c'est porter à bout de bras un édifice trop imposant pour le commun des mortels. Mug à la main, Héléna s'assied en regard de moi, l'oeil alourdi, la mine morose... Entre deux intrigues, elle m'accorde un laps de temps, pour converser sur son rôle.

@Arthur Brenac

Merci Monsieur Sermet, maintenant nous avons une vision plus globale du fonctionnement du musée des Confluences. Votre rôle est de « manager » une dite exposition. En l’occurrence, ici Yokainoshima, esprits du Japon est l’heureuse élue. Commençons donc par le début. Qu’est-ce qu’un scénario ?

Héléna Ter Ovanessian  // Un scénario, c’est une histoire, une narration. Le comment nous allons faire rentrer le spectateur dans un univers particulier. Ici, chaque projet est différent, ou du moins est construit différemment selon les institutions dans lesquelles nous allons être. Nous allons travailler sur des parcours très immersifs et dans lesquels nous allons dérouler un contenu qui a une structure du début jusqu’à la fin. Ce pour éclaircir un sujet, ainsi que donner des pistes et des ouvertures sur d’autres types de connaissances. Il s’agit d’éveiller la conscience sur des enjeux contemporains ou un phénomène social par exemple. 

Comment construisons-nous donc un scénario ? C’est beaucoup de recherches documentaires (qui normalement prennent du temps). Pour construire quelque chose qui soit vraiment cohérent, il faudrait entre six mois et un an. Nous contactons des scientifiques, des spécialistes, et réunissons un comité. Il va nous permettre de vérifier la véracité de nos propos, et si le scénario tient la route. Une fois que notre scénario est vérifié et réalisé, nous allons contacter un scénographe. Soit par un appel d’offre, soit en choisissant un scénographe interne au musée. Chaque « candidat » nous envoie son dossier ou des propositions. Nous choisissons les moins coûteuses et les plus intéressantes. Concernant Yokainoshima, esprits du Japon, nous avons fait appel à notre scénographe en interne, Gilles Mugnier.

@Arthur Brenac

@Arthur Brenac

Nous ne sommes jamais partis sur les yokai en premier lieu.

@Charles Fréger

Puisque vous abordez Yokainoshima, esprits du Japon, restons sur la thématique. L’exposition se fait dans un contexte un peu particulier. Par là, j’entends l’évènement Japonismes 2018 qui « a imposé » un thème nippon au musée des Confluences. Comment faisons-nous la transition de ce thème à Yokainoshima, esprits du Japon ?

HTO // Ça faisait longtemps que nous étions intéressés par le travail de Charles Fréger. Il s’avère que ce photographe avait travaillé sur le Japon très récemment. Nous avons vu ça comme une occasion - les contraintes seraient amoindries. Le Japon est une thématique très généraliste, nous pouvons en faire ce que nous voulons. Nous y avons fait un projet type « Confluences ». De plus, une exposition sur le Nippon peut rentrer facilement dans nos programmations. Le Japon, ça veut tout et rien dire, on peut en choisir tel ou tel angle.

@Arthur Brenac

Contrairement à ce qu’insinue l’appellation de l’exposition, nous ne sommes pas partis sur les yokai. Avant de se pencher sur le travail de Charles Fréger, nous étions partis sur une exposition davantage portée sur la pop-culture japonaise et ses artistes contemporains… Nous nous sommes rendu compte que ce type d’expos avait déjà été fait mout fois. Ce n’était ni original, ni novateur. Il n’y avait pas forcément de raisons d’exposer cette thématique au musée des Confluences, cela ne convenait pas non plus à notre public habituel. Ceci en prenant compte que malgré tout, la pop-culture nippone est une thématique alléchante - dû à la popularité notamment des mangas et anime. Ça aurait pu fonctionner. L’exposition aurait pu faire venir une masse importante de personnes. Mais ce n’était que très peu original. 

Sur ce, nous nous sommes plus orientés sur le travail de Charles Fréger. Au départ, l’exposition n’avait rien de titanesque. Elle devait avoir lieu dans une petite salle (300m2). Et qui dit espace petit, dit budget amoindri. La photographie était l’alternative de choix : c’était plus simple, ça coûtait moins cher, et surtout, au regard de nos relations avec Charles Fréger, était beaucoup plus pratique. C’est néanmoins devenu une grande exposition nous avons dû étoffer notre propos. 

J’imagine que c’est à ce moment où vient le scénario. Certes, on a mis le doigt dessus plus tôt, mais c’est assez difficile à visualiser. Quelle forme ledit scénario prend-il ? Est-ce un dossier classique que vous soumettez ? Ou suis-je complètement à côté de la plaque ?

HTO  // Nous ne « rendons » pas le dossier, ce n’est pas comme à l’école (rires). À vrai dire, tout dépend des chargés d’exposition. Personnellement, je produis des dossiers très complets où je rédige absolument tout : le déroulé, les objets et un premier jet de texte (là très élaboré). C’est très variable - tout dépend aussi des institutions où nous nous situons. Mais sinon, pour répondre à votre question, un dossier peut frôler les centaines de pages. C’est une étape et un processus très évolutifs. Un scénario est toujours ouvert à des modifications, nous le gardons ainsi toujours avec nous.

@Arthur Brenac

Une sacrée péripétie j’imagine ! Concernant Yokainoshima, esprits du Japon, comment la conception du scénario s’est déroulée ? Surtout que, de ce que j’ai compris, l’exposition s’est construite en un laps de temps record…

HTO // L’exposition Yokainoshima, esprits du Japon, nous a pris 11 mois, ce tenant compte de l’écriture du scénario, des débuts du travail scénographie… 11 mois, ce n’est rien pour une exposition. Au Quai Branly ou à la cité des Sciences, ils mettent trois ans à construire un projet de 700m2. Evidemment, nous ne sommes pas une structure nationale, mais une structure de métropole. Néanmoins, c’est un flux tendu, surtout sur une exposition sur le Japon qui est un sujet complexe en soi. A contrario, des expositions comme Antarctica ou Lumière se sont montées promptement, car des acteurs extérieurs nous prêtèrent main-forte. 

@Sawaki Suushi

Un processus qui a connu des hauts et des bas. Manager une exposition n’est pas un long fleuve tranquille j’imagine…

HTO //  Ça dépend à chaque fois des projets d’exposition. Quand on pense finaliser le scénario, ce n’est pas pour autant que certaines choses  ne peuvent pas encore se greffer à la trame. Des choses s’enlèvent également, ou ne rentrent pas dans les espaces qui ont été définis. Là intervient le scénographe qui va nous demander d’épurer le scénario. 

À pointer aussi que nous pensons, lors de la conception du scénario, à des objets qui puissent soutenir nos propos. Si nous ne trouvons pas ces dits objets, nous omettons des parties. C’est un travail long et laborieux en fait. Nous avons la chance d’avoir des réserves gigantesques, mais qui manquent malheureusement de matériaux nippons. Entre guillemets, nous n’avions que de la spiritualité et religion du XIXe siècle - nos collections nous ont « contraints » à rester sur la thématique défendue par Yokainoshima, esprits du Japon.

@Arthur Brenac

Ghibli est un studio d'animation japonais. Il est le juste équivalent de Pixar aux contrées nippones.

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Les prêts externes sont donc un pilier de Yokainoshima, esprits du Japon. Est-ce difficile d’obtenir certains objets ?

HTO // On a eu quelques prêts qui ont été refusés, d’autres où les négociations ont été compliquées. Toutefois, il n’y a pas vraiment de parties qui se sont effondrées dû à l’absence d’objets. Je dirais que la seule problématique a été la partie audiovisuelle de l’exposition. Je voulais présenter des extraits des anime Ghibli, à savoir Le voyage de Chihiro et Pompoko, car nous avions une partie entière axée sur le bestiaire du folklore japonais. Toutefois, les studios en question ne voulaient pas que nous diffusions leurs films. Nous avons dû donc trouver autre chose…

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