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物語

@Arthur Brenac

Dans l'oeuf...

...une exposition

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L'espace d'exposition n°12 fourmille. Yokainoshima, esprits du Japon ouvre au public dans à peine plus d'un mois. L'occasion de comprendre comment s'organise un espace d'exposition... (première partie)

« Le musée des Confluences, c’est un peu comme le cinéma ». Une douce voix au loin rebondissait sur les quatre murs blanchâtres du musée des Confluences. Le brouhaha, lui, se terre dans on ne sait quel recoin, attendant patiemment les heures d’ouverture… Pour l’instant, les espaces éphémères d’expositions étaient dans une immobilité rare. Même un inattendu ne semblait pouvoir balayer le silence ambiant. À un hic prêt, dirions-nous. Car, la voix se rapprochait petit à petit, succédée d’une cacophonie des plus monstres. Un homme, sûrement le propriétaire de la voix, foulait alors à peine le début du corridor, suivi à la queue leu-leu par une nuée de bambins. Le barbu (appelons-le ainsi) déballait son speech, sans couacs, sans hésitations quelconques, habitude oblige. Les petites pousses n’écoutaient que vaguement, c’est l’âge que voulez-vous ! Un drap blanc les obnubile davantage que les rares merveilles de notre Histoire. Le barbu en était conscient, poursuivait malgré tout, un maigre, mais sincère sourire dessiné sur sa lèvre inférieure. Ni son ton, ou son éloquence, ne lui faisait défaut, après tout. Les capter serait un défi, chose dans laquelle il semble exceller. 

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Au détour de l’espace n°11 - alors habité par Hugo Pratt, lignes d’horizon - les dessins de Corto Maltese ont eu raison des petiots. Soyons honnêtes de vous à moi, la bande dessinée est un biais bien facile pour fasciner collégiens, primaires et maternelles. Mais le barbu savourait sa victoire : leur attention était tout à lui. 10h30, moult classes scolaires de divers horizons rodent dans les deux étages d’exposition. Le terrain de jeu alors de la médiation : ces guides de visites aux groupes « particuliers », ceci comprenant les seniors, les étudiants ou les personnes à mobilité réduite. La matinée, elle, ne tolérait que la fougue de la jeunesse. Après, c’est du cas par cas. Le but du barbu était de croiser le programme de ses pitchouns, avec les lignes directrices du musée des Confluences. L’exercice est épineux. À l’ouverture d’une exposition lambda, une armada de prestataires, comme lui, sont formés au tac au tac. Une semaine, pas plus, pas moins, pour bûcher le sujet. Ce n’est pas une mince affaire, je vous l’accorde.

Le groupe progresse, des Touaregs aux curiosités des Carnets de collection… ce jusqu’à entamer les escaliers pour le second étage, le nid des expositions permanentes. Une petite fille s’arrêta. Ancrée dans le mur blanc en regard des Carnets de collection, une porte baillait. À peine quelques centimètres pas plus, de quoi éveiller la curiosité çà et là. Précédant ladite porte, un panneau greffé d’une barrière plastique. Sur ses lettres blanches et roses sur fond noir, on y lisait : « L’exposition Venenum, un monde empoisonné est en cours de démontage. La prochaine exposition, Yokainoshima, esprits du Japon, ouvrira le 7 juillet. » La petite fille plissait les yeux, se pencha, histoire de décrypter ce qui se passe dans cette mystérieuse pièce. Elle y voyait quelques teintes en vrac. Rien de plus malheureusement, la maîtresse la ramena à son groupe. L’agent de sécurité, d’habitude figé comme un roc, quitta son poste. À la stupeur des groupes passant, il pénétra dans cette pièce brumeuse. L’imagination des bambins s’emballait comme une machine infernale. Peut-être sauront-ils, un jour ? En attendant, ils quittent l’étage des expositions temporaires.

Le vigile passa la porte. Certes stoïque, c’est la même rengaine, il avertit les équipes de travaux : « Je ferme la porte les gars, il y a des curieux ». Certains hochaient la tête, d’autres poursuivaient - ce n’était peut-être que le cadet de leurs priorités. Dedans, c’est l’exposition Yokainoshima, esprits du Japon, ou du moins ses premiers pas. Scies, bouteilles Vittel à moitié entamées, et acariens teignaient un tableau pourtant amusant. L’espace se scindait en trois sections distinctes. Deux larges étendues aux murs bleus et verts, et une plus petite partie jaunâtre. Au coeur, tel un carrefour, trônait les bases de ce qui semble être un temple nippon, sur lequel s’active une poignée de charpentiers. En retrait, Gilles Mugnier épiait.

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C'est la personne qui met en image le scénario"

Un scénographe ?

Lui est scénographe, « la personne qui met en image le scénario d’exposition » pour reprendre ses exacts dires. Un rôle déterminant, et je minimise. Gilles Mugnier fait qu’une exposition tape-à-l’oeil ou non, mais surtout fait qu’elle ait une plus-value ou ce petit grain de folie qui appâte la masse. « C’est une question d’habitude plaisante-t-il. J’ai été architecte avant de faire une spécialisation en scénographie. » Péripéties après péripéties qui le menèrent à la grande Halle de la Villette, un juste équivalent de la halle Tony Garnier lyonnaise, avant de bifurquer vers une grande scène de théâtre nationale. Ce pour finir dans les couloirs du musée des Confluences, dès son ouverture en 2014.

Droit comme un coq, Gilles Mugnier était à l’affut de la moindre fausse note. Sous son bras, une épaisse armada de paperasse pour Yokainoshima, esprits du Japon, certes, mais aussi au regard de projets parallèles. « Nous cherchons comment installer le squelette d’une baleine au-dessus des expositions permanentes », expliquait-il. Mais pour l’instant, le scénographe pense Yokainsoshima, dort Yokainoshima, et respire Yokainoshima. Il y a un cahier des charges à respecter après tout…

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Ce cahier des charges, il prend la forme d’un scénario soumis par le chargé d’exposition. Au risque de faire une comparaison un peu houleuse, je considère la trame écrite est une sorte de Bible muséale. Là s’articule les moindres traits d’une expo, ce formant une fable concise et précise. Les moindres twists, phrases, ponctuations, Gilles Mugnier doit s’en imprégner. « Il s’agit de l’histoire que nous voulons raconter, renchérissait le scénographe. Ceci définissant les différentes parties, s’il y a des atmosphères spécifiques à rechercher… » D’ici, Gilles Mugnier bûche les énièmes recoins de la thématique donnée - ici la civilisation nippone. Puis vient toute la phase de conception, un vrai Tetris.

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Gilles Mugnier scrutait. Il passait, repassait entre les couloirs dessinés par de larges boxs, là où se reposeront les objets sollicités pour l’occasion. Peut-être imaginait-il le rendu final… Rien n’est trop sûr. La tête d’un scénographe fourmille d’informations. Miser sur une pensée particulière relèverait de l’exploit. Mais prêtons-nous au jeu et tâchons de visualiser les quatre murs de Yokainoshima, esprits du Japon. 

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En rentrant dans l’exposition, le visiteur est accueilli par les lourdes percussions du tambour taiko. Sonorités que nous retrouvons dans les campagnes nippones, focus des travaux de Charles Fréger - qui on le rappelle est une pierre angulaire de Yokainoshima, esprits du Japon. Un singulier son, pourtant simple en soi, appâtera donc les têtes vagabondes. Tout est question d’ambiance quand nous en venons aux expositions du musée des Confluences. Peu de surprises de ce côté-là, Gilles Mugnier estimait que la musique est primordiale quant à des expériences aussi immersives. « C’est comme s’il y avait une fête au loin, détaillait-t-il. Il ne faut pas que la musique soit prééminente toutefois. Elle doit être pile-poil au bon volume pour faire baver les visiteurs. Eux, ont encore les brouhahas de la route et des transports en commun en tête. Le tambour les extirpe de leur quotidien. » Une couleur musicale présente déjà dans les précédents travaux du scénographe, notamment Hugo Pratt, lignes d’horizon où des extraits sonores éthiques et vintage étaient diffusés à l’entrée.

Seconde partie par ici...

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